Sociologie et Anthropologie. Titre: Des inégalités durables ? Anthropologie politique des pratiques écologiques dans la haute cuisine européenne.

En 2020, le guide Michelin adopte une nouvelle étoile. Elle est verte et récompense « les établissements particulièrement engagés dans une approche durable de la gastronomie ». Pour la clientèle, les repas étoilés sont extra-ordinaires, quand, pour ceux qui les produisent, ils relèvent plutôt d’un quotidien fait de longues heures dans des conditions de travail souvent difficiles. Comment les brigades, dont la hiérarchie suppose de nombreuses inégalités et une grande diversité sociale, s’emparent-elles au quotidien de ces discours sur le développement durable?? Comment composent-elles avec les contradictions inévitables de la mise en pratique de ces discours?? En utilisant 'durable' dans le titre et la problématique, je reprends un terme 'emique', c'est-à-dire venant du terrain. Choisir des restaurants étoilés « vert », donc déjà reconnus comme « écologiques » par leurs pairs, permet d’éviter d’imposer de l’extérieur une définition par défaut de ce qui serait une cuisine « durable ». Ainsi, c’est le travail de terrain et d’analyse qui fera ressortir les différentes définitions implicites et explicites des acteur·rices de la haute-cuisine. Cette diversité informe du placement dans l’espace social ainsi que des choix dans les priorités politiques et techniques de ces restaurants. Dans le cadre de ce projet de thèse j’ai deux objectifs principaux : premièrement, décrire et comprendre les pratiques communes, la variété des valeurs et les lignes de fractures de cette haute cuisine durable; deuxièmement, comprendre ces pratiques au niveau de l’expérience et du vécu quotidien au travail. Je compte mener une enquête par observation participante dans 6 restaurants, tous cumulant étoiles rouges et verte, à l’échelle européenne (Suisse romande et allemande, France, Espagne, Danemark). Seront aussi effectués 40 entretiens semi-directifs, et la constitution d’un corpus d’écrits politiques et biographiques de cuisinier·e·s francophones (1960-2025, Suisse romande et France métropolitaine). En résulteront une thèse de doctorat en anthropologie en 2026 et une série d’articles et de présentations scientifiques et publiques. Ce doctorat sera une ethnographie de la haute cuisine européenne, et une étude originale de la production d’une alimentation durable de luxe, pensée au prisme de la crise écologique et des inégalités sociales.