Information détaillée concernant le cours

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Titre

Explorer le care en sciences sociales: approches, méthodes et enjeux

Dates

24 au 25 novembre 2022

Organisateur(s)/trice(s)

Nolwenn Bühler (chercheuse FNS senior, UNIL et responsable recherche santé, Unisanté), Giada Danesi (chercheuse FNS senior, UNISG), Anna Mann (maître assistante Ambizione FNS, UNISG)

Intervenant-e-s

Sonja Jerak-Zuiderent (Professeure assistante d'études sociales des sciences, de la technologie et du care, Département d'éthique, loi et humanités, Amsterdam University Medical Centres), Sandra Laugier (Professeur des universités, Institut des sciences juridique et philosophique, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Description

La notion de care a une longue histoire en sciences sociales, notamment dans les travaux portant sur le travail de femmes au sein de la sphère familiale (DeVault, 1991) et plus récemment en relation au travail de soin des professionnel·e·s de la santé, des patient·e·s et leurs proches (Latimer, 2000; Pols, 2004). C'est une notion difficile à définir et encore plus à traduire en français. Il désigne à la fois un type d'activités – s'occuper de, faire attention, prendre soin – et une disposition ou une attitude qui traduisent une forme de sollicitude ou de concernement (Laugier & Molinier, 2009). Selon la philosophe Joan Tronto, dont la définition est reprise par Laugier, le care peut être défini comme « une espèce d'activité qui comprend tout ce que faisons pour maintenir en état, pour préserver et pour réparer notre monde en sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible » (Laugier, 2015a, p. 68). Les travaux féministes ont notamment montré comment la distribution inégale du travail de care, ainsi que son invisibilisation et sa dévalorisation, sont des facteurs structurants de l'intersectionnalité des inégalités, et ce de l'espace domestique, aux chaînes globales de l'économie du care (Delphy et al., 2019; Falquet et al., 2010; Hirata & Molinier, 2012).

En parallèles des travaux féministes sur le care, dans les Science and Technology Studies (STS), ce concept s'est imposé à partir de deux publications clés des années 2010: le livre de Mol, Moser and Pols (2010) Care in practice: On tinkering in clinics, homes and farms et l'article de María Puig de la Bellacasa (2011) Matters of care in technoscience: Assembling neglected things, suivi de son ouvrage, Matters of care : speculative ethics in more than human worlds (2017). La première publication développe ce qu'on peut appeler une approche située du care dans les pratiques – care-in-practice – qui conceptualise le care comme une forme de bricolage socio-matériel constante et qui invite à étudier empiriquement les grands principes éthiques, comme l'autonomie ou la citoyenneté telles que réalisées et pensées par les acteur·trice·s eux/elles-mêmes dans les situations et en pratique. La deuxième mobilise une approche critique du care et invite à repenser notre positionnement de chercheur·euse d'un point de vue éthique et normatif. Dans cette perspective, le care devient un positionnement éthico-politique, une éthique féministe qui consiste à faire attention au travail invisible et aux formes de vie vulnérables ou négligées et à intervenir en montrant comment elles pourraient être 'autrement', mais présuppose aussi une inséparabilité constitutive entre le sujet chercheur·euse et son domaine d'investigation. Plusieurs numéros spéciaux sur le care ont vu le jour durant la dernière décennie : 'The Politics of Care in Technoscience' dans Social Studies of Science (Martin et al., 2015) ; 'The Politics of Policy Practices' dans The Sociological Review (Gill et al., 2017), 'Care in Translation: Care-ful Research in Medical Settings' dans East Asian Science, Technology and Society (Coopmans & McNamara, 2020), et cette année 'Care in STS' in the Nordic Journal of Science and Technology Studies (Lindén & Lydahl, 2021). Dans ce dernier numéro, les éditrices soulignent la polarité des approches et la productivité d'une approche qui vise à combiner les deux.

La crise écologique actuelle en mettant en lumière la fragilité des formes de vie et la profonde interdépendance qui relie les humains et non-humains, a ramené ce concept sur le devant de la scène, tant dans l'espace francophone qu'anglophone (Haraway, 2015; Laugier, 2015b). La crise sanitaire liée à Covid-19 en rappelant de façon brutale la fragilité des vies humaines et des systèmes qui les soutiennent, de même qu'en visibilisant et accroissant les inégalités sociales, économiques et sanitaires, a également renforcé l'importance de prendre les formes de care au sérieux pour penser la crise actuelle et le monde d'après (Bahn et al., 2020; Branicki, 2020). La publication de The Care Manifesto : The Politics of Interdependance (Collective et al., 2020) plaidant pour une réintégration au cœur de l'état et de l'économie du care sous toutes ses formes – du soins aux enfants et personnes âgées, au monde naturel – en témoigne.

Ce module vise à présenter et discuter de différentes approches et méthodes mobilisées en sciences sociales et plus particulièrement dans les STS et les études de genre pour explorer les concepts de care et les possibilités (conceptuelles, empiriques et politiques) qu'ils offrent. Au prisme d'une sélection de textes clés de ces domaines, il s'agira ainsi de réfléchir à ses enjeux théoriques, empiriques et sociétaux. Plus précisément, nous ferons émerger les débats et critiques que l'on peut observer dans le monde académique et en dehors lorsque nous nous penchons sur le care aujourd'hui, et cela afin que les doctorant·e·s puissent y réfléchir et les mettre en dialogue avec leur propre travail théorique et empirique. Les questions que nous souhaitons discuter portent tant sur les formes de care tels qu'ils se font dans les pratiques que sur le care en tant que posture et éthique, par exemple : Comment le travail de care est-il distribué ? Avec quelles implications ? Quelles sont les conditions de possibilité pratiques, affectives, temporelles, matérielles et morales du care ? Comment aborder le care à la fois comme une objet empirique et comme une éthique ? Comment faire le lien entre une ontologie du care telle qu'elle se réalise dans les pratiques et sa dimension politique et normative ? En quoi est-ce que le care est un concept anthropocentré et comment intégrer le plus qu'humain dans nos recherches ? Quels sont les nouveaux concepts qui dialoguent avec le care ? Si le care est généralement vu sous l'angle positif d'une activité et attention nécessaire à la vie, il reste néanmoins toujours pris dans des rapports de pouvoir et peut néanmoins générer une forme de violence. Quelles sont les ambivalences du care ? Quand est-il utile de conceptualiser les pratiques en termes de care et quand ne l'est-il pas ? Où s'arrête le care ? Et enfin, qu'est-ce que la pandémie a mis l'agenda ? Nous discuterons de ces questions autour des recherches empiriques des doctorant·e·s.

Objectifs

Ce module vise donc :

1) à se familiariser avec les différentes approches et travaux empiriques des sciences sociales et des STS qui se sont penchées sur le care ;

2) à permettre aux doctorant·e·s de s'approprier ces débats, approches et méthodes et de faire des liens avec leur travail empirique et théorique;

3) à développer des outils théoriques et empiriques de recherche à mobiliser dans leur recherche.

Cet atelier s'adresse en particulier à des doctorant·e·s qui sont interessé·e·s à découvrir comment le care est appréhendé dans les sciences sociales, et plus particulièrement dans le champ des STS, et qui visent développer leurs connaissances et leur regard critique sur cette notion et les mettre ainsi en dialogue avec leur travail de thèse. La langue de l'atelier sera le français et l'anglais. Il alternera des moments de travail en groupe, des présentations de la part des doctorant·e·s et des interventions d'expert·e·s invité·e·s.

 

Lieu

Crêt-Bérard

Plan

Plan

Information
Frais

Modalité de participation financière pour les doctorant-e-s CUSO: CHF 20.-

Places

15

Délai d'inscription 23.11.2022
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