L'évolution des modes de régulation dans l'optique de la sociologie de la négociation

Date et lieu

Vendredi 24 mars 2006

Département de sociologie, Université de Genève

UNI MAIL, bd du Pont-d’Arve 40, CH-1211 Genève 4

Matin: Salle MR 146 (rez-de-chaussée)

Après-midi: Salle M 2193 (2. étage)

 

Responsables

Jean-Michel Bonvin, Professeur adjoint, Département de sociologie, Université de Genève

Eric Moachon, Collaborateur de recherche, Département de sociologie, Université de Genève

 

Le contexte contemporain implique une transformation en profondeur des modes de régulation sociale qui coïncide avec l'apparition de nouveaux partenaires au sein des processus de production de la règle (qui font place à d'autres acteurs que les experts ou les technocrates) et l'émergence de manières inédites d'envisager le rapport à la norme (qui ne se réduit plus à une contrainte exogène). Ces évolutions sont profondément ambivalentes et donnent lieu à des analyses contradictoires dans la littérature sociologique : vont-elles dans le sens d'une régulation plus négociée et plus participative qui débouche sur un plus grand respect des libertés individuelles ? Ou contribuent-elles au contraire à instaurer des nouvelles formes plus raffinées (et plus perverses) de contrôle social qui seraient enracinées dans l'intériorisation de la contrainte au travers d'injonctions paradoxales à l'autonomie et la responsabilité ? Cette journée se propose de poser un diagnostic analytiquement fondé sur les métamorphoses contemporaines de la régulation. Seront plus spécifiquement abordés, dans une perspective combinant les apports théoriques et empiriques, les cas de la régulation politique, de la gestion des entreprises et de l'administration publique.

 

  

Programme détaillé

  

9.00 – 10.15 :

La régulation politique et la "conjoncture négociatoire"

Olgierd Kuty

  

L'accent sera mis sur l'approfondissement de l'hypothèse de "conjoncture négociatoire". Le concept général de régulation négociatoire suppose de distinguer des temporalités : pour cerner les spécificités des conjonctures 1945-1975 et 1980-2006, on comparera avec celle de 1800-1850 en Belgique.

On montrera l'invention négociée en 1830 d'un tout nouvel ordre procédural, articulé autour de 2 valeurs alors perçues comme transcendantes, la Révélation et la Raison, négocié autour de valeurs spécifiquement belges : le consensualisme et le pragmatisme. On procèdera en 2 temps. Tout d'abord sur le plan empirique, on mettra en lumière les modalités d'émergence d'une culture de la subsidiarité dans un contexte de petite démocratie très proche du cas suisse. Ensuite sur un plan théorique plus global, la contribution s'attache à clarifier l'articulation d'une régulation stratégique centrée sur des enjeux de pouvoir (tant en politique internationale qu'interne) avec une régulation normative conjointe.

  A lire : A lire :

- O. Kuty, "Aux sources du compromis belge: l'invention du consensualisme et du pragmatisme (1828-1835)" in Nachi, M., de Nanteuil-Miribel, M., Eloge du compromis, Academia-Bruylant, Louvain-la-Neuve, 2005.

- O. Kuty, "Consensus, pragmatisme : les racines du compromis" texte paru dans le magazine Le Vif – L'Express

 Olgierd KUTY est professeur à l'Université de Liège et chercheur associé au CSO (CNRS, Paris). Ancien Ford fellow, il a été professeur visiteur aux universités de Paris I et de Fribourg. Spécialisé en sociologie des organisations, ses domaines d'études sont les hôpitaux et le champ judiciaire. Actuellement, il travaille sur la régulation politique belge et a publié sur le mouvement blanc. Il est l’auteur de "La négociation des valeurs" édité chez De Boeck et co-rédacteur en chef de "Négociations" avec Christian Thuderoz.Olgierd KUTY est professeur à l'Université de Liège et chercheur associé au CSO (CNRS, Paris). Ancien Ford fellow, il a été professeur visiteur aux universités de Paris I et de Fribourg. Spécialisé en sociologie des organisations, ses domaines d'études sont les hôpitaux et le champ judiciaire. Actuellement, il travaille sur la régulation politique belge et a publié sur le mouvement blanc. Il est l’auteur de "La négociation des valeurs" édité chez De Boeck et co-rédacteur en chef de "Négociations" avec Christian Thuderoz.

  

  

10.30 – 11.45 :

L'évolution de la régulation et des modes de gestion dans l'entreprise

Christian Thuderoz

  

Le propos s’ordonnera en 3 grandes séquences. Dans la première partie, nous brosserons donc un tableau raisonné de ce que nous appellerons « une nouvelle configuration socio-productive ». Un double fil conducteur sera suivi : a) la mise à jour d’un travail de recomposition des systèmes socio-productifs et de construction de nouvelles cohérences productives (par le biais d’organisations distribuées, d’une plus grande horizontalité des pratiques productives, de nouvelles formes de mobilisation de la main-d’œuvre, d’une plus grande place accordée au négocié et au contractuel, etc.), et b) la description du cadre social dans lequel ce travail de recomposition s’accomplit (une plus grande autonomie du Sujet, une moins grande centralité accordée au travail, au conflit industriel et à l’entreprise, une exigence de reconnaissance identitaire, etc.).

Dans une seconde partie, nous porterons le regard sur l’une des dimensions majeures de cette nouvelle configuration : le développement de nouvelles dynamiques de négociation. Nous montrerons que la négociation sociale, aujourd’hui, en Europe francophone, est, tout à la fois : plus diversifiée, plus active, plus décentralisée, plus contractuelle, plus « régulative », plus souple, plus intégrative. Nous décrirons ces dynamiques telles qu’elles sont à l’œuvre désormais dans les entreprises, privées ou publiques.

Enfin, dans une dernière partie, nous porterons un regard critique et analytique sur cette configuration et ces dynamiques de négociation. Nous montrerons que deux types de lectures doivent être évités : une lecture oecuménique, où ce surcroît du négocié signifierait une pacification des rapports socio-industriels ; une lecture manichéenne, où ces dynamiques ne seraient que les nouveaux oripeaux d’un capitalisme triomphant et manipulateur. Loin de ces lectures atrophiées, nous montrerons plutôt l’intérêt de saisir ces phénomènes comme des manifestations d’un surcroît de modernité de nos sociétés occidentales et l’illustration concrète de ce que Alain Touraine nommait récemment « un nouveau paradigme »…

 Christian THUDEROZ est Professeur des Universités (CNU 19, sociologie) à l'Institut National des Sciences Appliquées de Lyon. DE 1992 à 1998, il a été chargé de recherche au CNRS / CRISTO (Centre de recherches sur l'Innovation Socio-Technique dans les Organisations, Université Pierre Mendès-France, Grenoble. Son programme de recherche s'organise autour de deux thématiques principales : l'entreprise comme institution, et la négociation comme processus de décision et comme art moral et solidaire.Christian THUDEROZ est Professeur des Universités (CNU 19, sociologie) à l'Institut National des Sciences Appliquées de Lyon. DE 1992 à 1998, il a été chargé de recherche au CNRS / CRISTO (Centre de recherches sur l'Innovation Socio-Technique dans les Organisations, Université Pierre Mendès-France, Grenoble. Son programme de recherche s'organise autour de deux thématiques principales : l'entreprise comme institution, et la négociation comme processus de décision et comme art moral et solidaire.

   A lire : A lire :

- Thuderoz, Christian (2005) « Processus, décision et échange négocié : le cas des 35 heures en France », in Guy-Olivier Faure (dir.), La négociation décloisonnée, Paris : Publibook.

- Thuderoz, Christian (2005) « L’entreprise : un lieu compromissoire », in Mohammed Nachi et Matthieu de Nanteuil, Eloge du compromis. Pluralisme et justice sociale dans l’espace démocratique, Academia Bruylant, Bruxelles, décembre 2005.

- Bélanger, Jacques ; Thuderoz, Christian (1998) « La recodification de la relation d'emploi », Revue Française de Sociologie, vol. 39. n° 3, pp. 469-494.

  

  

  

12.00 –12.45 :

Les entreprises en Suisse et la question du management participatif

Jean-Michel Bonvin

  

De nombreuses entreprises suisses ont développé des stratégies de gestion des ressources humaines inspirées par les théories du management participatif. Sur la base d'enquêtes détaillées menées dans six entreprises suisses, la communication cherche à évaluer dans quelle mesure ces nouveaux modes de régulation des rapports de travail favorisent réellement une participation accrue des travailleurs et un respect plus scrupuleux de leurs droits sociaux.    

A lire :

- Segrestin, Denis (2004) « De l’innovation rêvé au management réel », in Les chantiers du manager, Paris ;Colin : 13-59.

- Badan, Philippe ; Bonvin, Jean-Michel ; Moachon, Eric; Thelen, Lionel (2006) « La protection sociale en transition : Une approche en termes de capabilités », in A. Dang, J.-L. Outin et H Zajdela (dirs), Défis et mutations des relations emploi-protection sociale, Paris : Editions du CNRS, à paraître.

  

  

  

14.00 – 15.15 :

Les nouveaux modes de gestion de l'action publique et la sociologie de la négociation

Frédéric Varone

  

Cette communication se propose d'étudier les processus de négociation à l'oeuvre dans les nouveaux processus de gestion de l’action publique, notamment lors de la formulation des contrats de prestation entre les autorités politiques et les administrations publiques. De tels outils de gestion visent à faciliter l’évaluation de l’efficacité au moyen d’indicateurs de performance quantitatifs fixant des objectifs clairs et à réduire l’asymétrie de l’information entre les politiciens et les bureaucrates afin de garantir un usage optimal des ressources. Deux niveaux complémentaires seront plus spécifiquement abordés : d'une part, les négociations relatives aux indicateurs de performance que les services administratifs doivent atteindre et, d'autre part, le marchandage (public service bargain) entre les hauts fonctionnaires et les élus politiques quant à leur partage des responsabilités. L’analyse comparée des rapports entre autorités politiques et administrations publiques de plusieurs pays européens permettra de montrer que la mise en pratique de l’argumentation théorique de la nouvelle gestion publique soulève de nombreux problèmes théoriques et pratiques.

  

Frédéric Varone est professeur au Département de science politique de l'Université de Genève. Ses enseignements et recherche portent sur l'analyse et l'évaluation des politiques publiques, les transformation du secteur public (NGP, libéralisation et privatisation des services publics) ainsi que l'influence des droits de propriété sur la gestion des ressources naturelles. Sur le thème de la NGP, il a notamment publié : Varone, Frédéric (1998). De l'irrationalité institutionnelle de la Nouvelle Gestion Publique, in: Hufty, Marc (ed). La pensée comptable. Etat, néo-libéralisme, nouvelle gestion publique, Collection Enjeux, Paris: Presses Universitaires de France, pp.125-139; Knoepfel, Peter et Frédéric Varone (1999). Mesurer la performance publique. Méfions-nous des terribles simplificateurs, Politiques et Management Public, 17 (2):123-145; Varone, Frédéric (2003). Le temps administratif et la Nouvelle Gestion Publique, in: Schweizer, Rainer J. et al. (eds). Verwaltung im 21. Jahrhundert. Herausforderungen, Probleme, Lösungswege, Freiburg : Universitätsverlag Freiburg, pp. 195-214; Varone, Frédéric et Steve Jacob (2004). Institutionnalisation de l'évaluation et Nouvelle Gestion Publique: un état des lieux comparatif, Revue Internationale de Politique Comparée 11(2) : 271-292 .

     

A lire :

- Hood, Christopher (2001) « Relations entre ministres / politiciens et fonctionnaires : l’ancien et le nouveau marchandage », in B. Guy Peters et Donald J. Savoie (dirs) La gouvernance au XXIe siècle : revitaliser la fonction publique, Laval (Canada) : Presses de l’Université de Laval, 129-150.

- Varone, Frédéric ; Giauque, David (2001) « Pilotage des politiques publiques et rémunération à la performance. Analyse comparée de quelques contrats de prestations en Suisse », Revue internationale de Science administrative, 3 : 619-643.

  

  

  

15.30 – 16.15 :

Politiques sociales et Nouvelle gestion publique, Le cas de l'assurance-chômage suisse

Eric Moachon

  

Cette contribution vise à faire le point sur les réformes des modes de gestion des Offices régionaux de placement (ORP) durant les dix dernières années. Elle envisagera plus particulièrement les conséquences de ces changements sur l’activité des agents locaux et montrera que dans le cas envisagé, la nouvelle gestion publique s’apparente davantage à un raffinement de la logique technocratique qu’à un mode de régulation réellement négocié.

A lire :

P. Badan, J.-M Bonvin, E. Moachon, « Le rôle des acteurs locaux dans les nouvelles politiques de l’emploi », Revue suisse de sociologie, Vol. 30, No 3, 2005, pp. 381-396.

  

  

16.30 – 17.30 :

Débat général et conclusions

  

  

  

Modalités didactiques:   

Le séminaire se base sur une logique d'interventions courtes (max. 45 minutes) suivies d'une discussion. Les participants souhaitant présenter leurs projets de recherche durant la journée sont priés de contacter Jean-Michel Bonvin ([email protected]) en explicitant clairement l'importance de la perspective de la négociation dans leur travail. Le cas échéant, une plage temporelle pourra être libérée à leur intention.

  

  

Attestation de participation:   

Les doctorant-e-s qui souhaiteraient obtenir une attestation de participation à ce module remettront aux responsables ([email protected] ou [email protected]) une note critique d’une dizaine de pages sur la négociation ou des aspects de son application, ceci au plus tard deux semaines après la journée de formation (20'000 signes au maximum).

  

  

Délai d’inscription:   

3 mars 2006