Questions de méthode en sociologie de la réception

Séminaire méthodologique du programme doctoral romand en sociologie

   

Vendredi 27 avril 2007, Université de Fribourg

Département des sciences de la société, Salle G 314

Pérolles 90, 1700 Fribourg

 

 

Responsable: Olivier Tschannen, Professeur, Université de Fribourg

 

Argument

La sociologie de la réception, née au sein de la tradition de recherche en communication et médias, devient peu à peu incontournable pour l’ensemble de la démarche sociologique, et notamment en sociologie politique. A preuve, la manière dont elle est sollicitée depuis une quinzaine d’années dans les travaux qui privilégient l’approche de la « politique par le bas », ou encore, en sociologie de la religion, à travers la thématique de l’« individualisme religieux ».

 

Produit d’une « inversion du regard » par rapport aux approches prenant leur point de départ dans les institutions et leur action socialisatrice, l’approche en réception est pertinente à chaque fois que l’on s’interroge sur les processus par lesquels, dans une société devenue irréductiblement pluraliste, les individus négocient activement le sens de leurs actions à partir de matériaux qui leurs sont proposés par les institutions, les formes de mobilisation collectives ou les acteurs des marchés.

 

En sociologie de la communication et des médias, l’approche en réception est issue d’une réaction contre la position classique, qui posait la question de « ce que les médias font aux gens ». En inversant cette question pour demander « ce que les gens font des médias », la sociologie de la réception prend appui sur la tradition pragmatique, permettant ainsi le dépassement des apories des approches en termes de « sens » ou d’« effets » pour se demander, très concrètement, ce que les spectateurs font lorsqu’ils « regardent la télévision » ou « lisent le journal » – sans pour autant tomber dans les pièges d’une analyse « ethnographique » des audiences qui désormais a montré ses limites.

 

La question ainsi posée soulève une série de problèmes de méthode, que ce séminaire propose de thématiser. Les approches le plus souvent utilisées en sociologie, qui reposent sur l’analyse des déclarations de personnes interrogées sur leurs pratiques, ne permettent pas de saisir ces pratiques en elles-mêmes. Il s’agit donc de trouver des moyens pour contourner cette difficulté en imaginant des dispositifs empiriques dans lesquels 1) un certain nombre de pratiques peuvent être saisies directement; et simultanément 2) les déclarations sont elles-mêmes saisies comme des pratiques sociales, mais des pratiques qui sont le moins possible générées par l’intervention du chercheur. La technique des entretiens collectifs, issue du marketing et encore peu pratiquée en sociologie, est l’un des moyens permettant, dans certaines conditions, d’approcher ces conditions.

  

Programme de la journée

9h : Accueil, questions d’organisation

9h15 : Olivier Tschannen, introduction au thème de la journée

9h30 : Eric Maigret "La question de la réception en sociologie de la communication et des médias"

10h15 : Discussion

  

10h30 : Pause

  

11h : Présentation des sujets de thèse des doctorants

11h30 : Discussion

  

12h : Repas de midi

  

13h30 : Florence Haegel "Les entretiens collectifs : quels enjeux et quels usages en sociologie politique ?"

14h15 : Discussion avec les doctorants

  

15h : Pause

  

15h30 : Brigitte Le Grignou "Ce que la perspective de la réception fait (ou pourrait faire) à la sociologie politique"

16h15 : Discussion avec les doctorants

17h : FIN

 

Intervenants

  • Eric Maigret est Maître de conférences en siences de l'information et de la communication à l’Université de Paris-III Sorbonne nouvelle et Professeur à Sciences-Po, Paris. Il est l’auteur notamment de Sociologie de la communication et des médias (Armand Colin, 2003). Site web : http://www.lcp.cnrs.fr/html/bio/maigret.html
  • Florence Haegel est Directrice de recherche au CEVIPOF, Centre de recherches politiques de Sciences-Po, Paris. Elle est notamment co-auteur (avec Sophie Duchesne) de Les entretiens collectifs (Nathan, 2004). Site web : http://www.cevipof.msh-paris.fr/chercheurs/chercheurs_fiches/haegel.html
  • Brigitte Le Grignou est professeure de science politique à l’Université de Paris-Dauphine. Elle est l’auteur notamment de Du côté du public : usages et réceptions de la télévision (Economica, 2003). Site web : http://www.dauphine.fr/irises/membres/brigitte-le-grignou.htm

 

Résumé des présentations

Eric Maigret: La question de la réception en sociologie de la communication et des médias

La sociologie des réceptions présente désormais ces dernières non plus comme un simple échange entre productions et usagers (modèle texte/lecteur) mais comme un processus de co-construction conflictuelle : il s'agit de cesser d'isoler une étude des publics et des usagers d'une sociologie plus large des interactions. Contrairement aux approches couramment utilisées (sociologie lazarsfeldienne, usages et gratifications, modèle codage-décodage, théories de l'appropriation par schèmes socio-cognitifs, etc.) qui envisagent la réception comme un processus à la fois ponctuel et inséré dans le temps long des identités sociales (les publics "acceptant" ou "résistant" à des contenus en fonction de leurs ressources sociales), l'acte est réintégré dans un ensemble de conflits interprétatifs en voie de production, ceux façonnant un espace public (au sens de Nancy Fraser ou de la philosophie pragmatiste américaine).

 

Florence Haegel: Les entretiens collectifs : quels enjeux et quels usages en sociologie politique ?

La communication s’appuiera sur le petit ouvrage publié avec Sophie Duchesne, Les entretiens collectifs, Paris, Nathan, 2005 complété par le premier bilan d’une recherche comparative, menée depuis lors, pour soulever les interrogations que suscite l’usage des entretiens collectifs en sociologie politique. Elle ne se centrera pas exclusivement sur l’analyse de la réception des médias mais tentera de présenter rapidement la méthode en fonction des domaines de recherche et des perspectives théoriques. Son objectif sera d'en clarifier les enjeux tant théoriques que pratiques.

 

Brigitte Le Grignou: Ce que la perspective de la réception fait (ou pourrait faire) à la sociologie politique

Cette communication s’emploie à désenclaver les approches en réception, le plus souvent cantonnées aux pratiques culturelles de masse, et à les transposer vers d’autres champs disciplinaires, pratiques et univers, et notamment vers les phénomènes de politisation.

On se propose de présenter deux « chantiers » de la sociologie politique, qui, sans toujours se référer explicitement à la sociologie de la réception, s’inspirent de son « point de vue » sur les destinataires, les non professionnels, les profanes…:

- Les recherches sur la politisation des profanes, renouvelées par l’approche « vue d’en bas », c’est-à-dire, par l’attention portée aux conditions, non seulement de fabrication, mais aussi de circulation, d’appropriations et d’usages des messages et idées politiques par les citoyens ordinaires…

- La sociologie politique des institutions, qui irrigue des réflexions de politistes et d’historiens sur l’« emprise » des institutions, et notamment de leur idéologie sur les comportements (notamment d’obéissance).

 

Modalités didactiques

Le séminaire se base sur une logique d’intervention et discussion. Les participants voulant présenter leurs projets de recherche durant la journée sont priés de contacter Olivier Tschannen ([email protected]) tout en confirmant leur disponibilité à le faire comme indiqué dans le formulaire d’inscription qu’on trouvera sur ce site.

 

Attestation de participation

Les doctorant-e-s qui souhaiteraient obtenir une attestation de participation à ce module remettront au responsable ([email protected]) une note critique de quelques pages sur l’un des thèmes présentés dans la journée.

 

  

Délai d’inscription: 16 avril 2007