Titre

Le témoignage judiciaire, une analyse ethnographique et discursive d’un mode de constitution de la preuve : le cas d’audiences pénales en Suisse

Auteur Camillia SALAS
Directeur /trice Thierry Herman
Co-directeur(s) /trice(s)
Résumé de la thèse

Ma thèse s’intéresse à la notion du témoignage judiciaire (TJ) et, à travers sa manifestation dans un procès, à sa validité en tant que preuve judiciaire lors d’audiences pénales en Cour Correctionnelle. Avant d’investir la sphère judiciaire, le témoignage selon une conception philosophique, renvoyait à une activité quotidienne que le droit a institutionnalisée au rang de pratique solennelle (Coady, 2002). Dès lors, le TJ a été défini selon des dispositions juridiques, qui reposent sur le statut légal de témoin. Ma thèse propose de reconsidérer cette notion en tenant compte d’autres intervenants au procès (prévenu, plaignants, personnes appelées à donner des renseignements), puisque eux aussi font l’expérience du témoignage au sens où il s’agit d’une transmission d’une information, observée ou mentionnée comme telle (Goldman, 1999 ; Sperber, 2001), émanant d’une personne qui a pu participer à l’infraction et destinée à une autre en tant que l’incarnation d’une autorité désignée par la loi (avocats, juges, président).

Maintenant, dans le cas de figure d’audiences publiques, nous sommes en présence d’un cadre procédural et formel où les situations sont pré-définies . (1) Elles mettent en scène des interactions de type asymétrique, qui reposent sur une distribution inégalitaire entre les intervenants dans un procès (modèle question/réponse, par exemple), qui orientent la prise de décision et qui fonctionnent selon un processus évaluatif. (2) Ces interactions reposent notamment sur des pratiques langagières. (3) Le témoignage judiciaire rend compte de la façon dont le pouvoir légal s’établit, se reproduit, etc. (Conley & O’Barr, 1998). (4) Il est la manifestation de tensions entre divers intervenants, qui participent de façon collective (bien qu’ils aient des enjeux divergents) à sa validation et à sa recevabilité en tant que preuve judiciaire.

En effet, en raison de son caractère fragile et instable, le TJ ne fonctionne pas comme la plupart des preuves (telles que les pièces à convictions, preuves ADN, etc.). Dès lors, l’aspect narratif, argumentatif, ainsi que son double aspect interprétatif confère au témoignage une force plus ou moins déterminante en tant que preuve à mobiliser au cours d’un procès.

La validation et la recevabilité du TJ repose d’une part, sur l’évaluation de la fiabilité du témoin – associée à des procédés de crédibilisation (Doury, 1999) – et d’autre part, sur l’évaluation de la fiabilité de ses propos. Cette évaluation, qui s’effectue majoritairement par le garant du processus décisionnel (le président du tribunal), va faire intervenir différents types de reformulations discursives (qu’elles soient orales ou écrites) au cours du procès : (1) au moment de l’échange Q/R, (2) au moment de la reformulation au greffier et (3) au moment du jugement.

Ces reformulations, qui sont le reflet des différentes manifestations du TJ, font intervenir de multiples échanges argumentatifs, à caractère dialogique et interactifs (François, 1980). Dans ces circonstances, la finalité du discours argumentatif « exige des interlocuteurs d’une part qu’ils justifient leurs prises de positions, et d’autre part qu’ils négocient la portée de leurs arguments avec leurs interlocuteurs » (Golder, 1992, p.100).

Dès lors, en nous appuyant sur une approche interactionnelle du langage (Kerbrat-Orechioni, 1998, 2005, 2010) et en tenant compte des théories francophones de l’argumentation (Plantin, 2005; Amossy, 2010; Micheli, 2012; Jaquin et Micheli, 2012, Doury et Moirand, 2004), nous aimerions montrer, qu’au-delà du caractère instable et fragile du TJ, le processus de reformulation serait potentiellement une étape nécessaire à la constitution du TJ en tant que preuve à mobiliser dans un procès.

L’objectif de cette thèse est donc de voir de quelle façon la reformulation des opérations de justification et négociation présentes dans le discours argumentatif du témoin participe à son processus de crédibilisation. Pour ce faire, nous proposons une analyse ethnographico -discursive au sein du Tribunal d’arrondissement de Lausanne.

 

Statut en cours
Délai administratif de soutenance de thèse
URL
LinkedIn
Facebook
Twitter
Xing