Titre

Offbeat: Datafication, Personalization, And Temporalities In Remote Cardiac Monitoring

Auteur Martina VON ARX
Directeur /trice Prof. Bruno Strasser
Co-directeur(s) /trice(s) Prof. Claudine Burton-Jeangros
Résumé de la thèse

Cette thèse questionne la reconfiguration et (dé)personnalisation de la relation médecin-patient en étudiant les expériences à long terme du monitoring cardiaque à distance en Suisse. L’essor de la télémédecine soulève la question du découpage spatial de la relation médecin-malade. L’exemple du monitoring cardiaque piloté par des algorithmes, étudié dans cette thèse, ajoute une nouvelle problématique : le découplage temporel. La présente étude explore les multiples dimensions de la temporalité du diagnostic pour les patient-es, médecins et personnes soignantes.

Le moniteur cardiaque est un petit capteur à deux électrodes implantées sous la peau au-dessus du cœur destiné aux patient-es soupçonné-es d’une arythmie entraînant potentiellement une perte de connaissance ou un accident vasculaire cérébral. Bien que le moniteur cardiaque accompagne les patient-es à chaque instant de leur vie, la transmission d’éventuelles épisodes considérés comme « hors norme » par les algorithmes ne s’effectue qu’une fois par nuit. Ces alertes ne sont traitées qu’au plus tôt le lendemain de l’épisode survenu pendant les jours ouvrables par des infirmières spécialisées. En conséquence, ce dispositif technique n’implique pas seulement un découplage spatial, mais aussi temporel. Ceci met à l’épreuve la relation médecin-patient qui continue à graviter autour de l’obtention d’un diagnostic définitif. En conséquence, l’incertitude du diagnostic est difficile pour patient-es et médecins (Groopman 2008; Nettleton et al. 2004). Cependant, dans une pratique médicale basée sur la pondérations des risques (Aronowitz 2015), le diagnostic ne ressemble plus à un moment d’inspiration soudaine, mais à un « processus collectif, cumulatif et contingent » (Rosenberg 2002:256) qui se déroule dans le temps.

La présente étude, basée sur des observations ethnographiques dans deux hôpitaux universitaires en Suisse et sur des entretiens semi-directifs avec des patient-es, cardiologues, infirmières spécialisées et représentant-es d’entreprises, montre que le monitoring cardiaque à distance dissocie les moments de la collecte, de la transmission et de l'interprétation des données médicales. Cela n'a pas seulement un impact sur comment, quand et où le diagnostic est produit, mais aussi sur les conditions de la relation médecin-patient.

Cette thèse met en évidence comment la perception du moniteur cardiaque évolue d’une technologie de pointe portant tous les espoirs d’obtention d’un diagnostic pour devenir un morceau de déchet électronique vide de sens pour les patient-es. Si ce désenchantement est multifactoriel, un facteur principal émerge : une connexion numérique est autant une construction sociale qu'une infrastructure physique. Alors qu’un rendez-vous classique médecin-patient donne l’opportunité aux deux parties de rapporter et discuter l’état des lieux et la suite de la prise en charge, cet échange est absent, ou réduit, dans le monitoring à distance. Tandis que le personnel soignant ignore souvent le contexte dans lequel les données ont été enregistrées par les algorithmes, les patient-es de leur côté n’ont plus accès aux données transmises et à leur interprétation par le médecin. Le grand nombre de faux-positifs crée une charge de travail considérable pour les infirmières spécialisées responsable du triage des alertes. Au cours du temps, elles acquièrent un savoir détaillé sur les patient-es inclus-es dans le monitoring rendant leur travail d’investigation plus efficace. Contrairement au personnel soignant, la plupart des patient-es se sentent privé-es d’un retour personnalisé concernant le monitoring en continu de leur cœur. Pour eux, avoir de bonnes nouvelles seraient préférable à l’absence de nouvelles ou aux nouvelles restreintes constatant l’absence d’arythmie.

Avec cette étude qualitative je montre que le monitoring à distance basés sur des algorithmes dépersonnalise la relation médecin-patient en négligeant la dimension de l’interprétation collective qui est inhérent à la configuration traditionnelle de médecin-patient. Ceci peut amener à des malentendus et une perte de confiance au fil du temps. En conséquence, le face-à-face reste indispensable à la pratique médicale car seuls l'espace et le temps partagés permettent une véritable coopération entre médecins et patient-es. Malgré le développement actuel de l'IA et les possibilités qui en découlent pour traiter et combiner de grandes quantités de données biomédicales, le diagnostic - en tant que processus collectif et chronophage – semble toujours résister à se faire réduire à un simple problème de traitement de données.

Statut terminé
Délai administratif de soutenance de thèse 5 septembre 2023
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