Mesurer, c’est définir : à quoi sert la statistique publique ?
4 novembre 2011, Institut de sociologie, Université de Neuchâtel
Institut de langue et de civilisation française, salle B5
Faubourg de l'Hôpital 61-63
2000 Neuchâtel
Délai d’inscription : 3 octobre 2011
Séminaire méthodologique sous la responsabilité d’Eric Crettaz, UNINE, MAPS et Olivier Moeschler, UNIL, OSPS, en collaboration avec André Ducret, UNIGE
Les statistiques que recueillent, en Suisse comme ailleurs, divers appareils administratifs visent à mesurer comment évolue le pays dans divers domaines. Au niveau fédéral, cantonal ou communal, on recueille des données, on les met en forme, on compare les « faits ». C’est sur les modalités et sur les usages de ce travail d’observation et de production de données statistiques que cette journée propose de s’interroger en réunissant des praticiens actifs dans l’administration publique et des chercheurs en sciences sociales.
On se demandera ainsi pour quelles raisons, en Suisse, on dispose d’informations statistiques sur certaines réalités sociales domaines, et moins sur d’autres. On reviendra également sur la manière dont les chiffres sont élaborés et comparés avant d’entrer dans l’espace public (Besson, 1992 ; Blondiaux, 1988). Surtout, on examinera comment la statistique publique, non seulement mesure, mais définit « en quoi consiste la Suisse ». Divers travaux récents (Desrosières, 2010; Didier, 2009; Schor, 2009) comme de trop rares études menées en Suisse (Busset, 1993) ont montré qu’il faut considérer les statistiques, non comme le reflet plus ou moins fidèle de la réalité qu’elles s’efforcent de saisir, mais bien comme l’un des principaux instruments au travers desquels se construit et se pense un pays, une des voies par lesquelles il prend conscience de lui-même. Pour ce qui est de la Suisse, chercher à repérer, par exemple, ce qu’il en est des facteurs qui conduisent à la « pauvreté » revient à l’accommoder à la sauce helvétique. De même, retenir pour la Suisse telle nomenclature plutôt qu’une autre s’agissant des catégories socioprofessionnelles signifie leur donner une consistance durable que reprendront par la suite des élus politiques, des sociologues et autres chercheurs, des journalistes et, in fine, le grand public.
De cet ensemble de questions auxquelles, comme sociologues et chercheurs en sciences sociales, nous sommes régulièrement confrontés, ce module de formation doctorale discutera en donnant la parole à des spécialistes comme à des doctorant-e-s aux prises avec les difficultés de l’enquête sur le terrain.
Bibliographie sélective
BESSON Jean-Louis (dir.), La Cité des chiffres ou l’illusion des statistiques, Paris : Autrement, 1992
BLONDIAUX Loïc, La fabrique de l’opinion, Paris : Ed. Seuil, 1988
BUSSET Thomas, Pour une histoire du recensement fédéral suisse, préface de H.-U. Jost, Berne : OFS, 1993
CRETTAZ Eric, BONOLI Giuliano, « Why are some Workers Poor ? The Mechanisms that Produce Poverty in a Comparative Perspective, REC-WP Working Papers on the Reconciliation of Work and Welfare in Europe, n. 12-2010, Edinbourg : RECWOWE Publication, Dissemination and Dialogue Centre
DESROSIERES Alain, La politique des grands nombres : histoire de la raison statistique, Paris : La Découverte, 2010
DIDIER Emmanuel, En quoi consiste l’Amérique ? Les statistiques, le New Deal et la démocratie, Paris : La Découverte, 2009
JOYE Dominique, SCHULER Martin, Stratification sociale en Suisse : catégories socio-professionnelles, Neuchâtel : OFS, 1995
SCHOR Paul, Compter et classer : histoire des recensements américains, Paris : EHESS, 2009
Programme
9h00-9h15 | André DUCRET (UNIGE, dir. scientifique du PDRS) et Olivier MOESCHLER (UNIL): Introduction à la journée & présentations réciproques des participants |
9h15-10h00 | Emmanuel DIDIER (EHESS, Paris): Comment les outils de quantification consolident-ils la société? Les statistiques pendant la Grande dépression aux USA |
10h00-10h15 | Discussion |
10h15-10h30 | Pause café |
10h30-11h15 | Eric CRETTAZ (UNINE): Y a-t-il des "working poor" dans les pays riches? Réflexions sur la construction d'une catégorie |
11h15-11h30 | Discussion |
11h30-12h30 | Présentation doctorant: Amal Tawfik (UNIGE) |
12h00-12h30 | Présentation doctorant: Jacqueline Kucera (UNINE) |
12h30-14h00 | Déjeuner en commun |
14h00-14h45 | Dominique JOYE (UNIL): Les catégories socioprofessionnelles au prisme de la statistique: les enjeux d'une définition |
14h45-15h00 | Discussion |
15h00-15h30 | Présentation doctorant: Julien Chevillard (UNIL) |
15h30-16h00 | Présentation doctorant: Manuela Honegger (UNIL) |
16h00-16h15 | Pause café |
16h15-17h15 | Table ronde: producteurs, diffuseurs et utilisateurs de la statistique publique suisse discuteront des conséquences, des limites mais aussi des potentiels qui découlent de la dimension fortement - et forcément - sélective de ces données, et de la complexité qui caractérise dès lors la relation entre ces différents groupes d'acteurs avec Peter Farago (dir. FORS-UNIL), Bertrand MÜLLER (historien et sociologue, UNINE/UNIGE/CNRS), André DE MONTMOLLIN (Office Fédéral de la Statistique, Neuchâtel), les intervenants. Animation: Olivier MOESCHLER (UNIL) |
17h15-17h30 | Eric CRETTAZ (UNINE) et Olivier MOESCHLER (UNIL): Conclusion |